Ada Altieri a obtenu son doctorat en physique théorique en 2018 de l’Université de Rome “Sapienza” et de l’Université Paris-Sud XI, sous la direction de Giorgio Parisi et Silvio Franz. Depuis la rentrée 2020 elle est Maître de Conférences au laboratoire “Matière et Systèmes Complexes” de l’Université de Paris. Ses recherches actuelles portent sur l’analyse de dynamiques hors équilibre dans des systèmes complexes et sur l’étude des écosystèmes désordonnés. Les méthodes utilisées relèvent de la théorie statistique des champs, des matrices aléatoires et des systèmes désordonnés.
Abstract
Un écosystème bien mélangé peut-il être interprété comme un système vitreux ?
La biodiversité, l’adaptation et l’évolution des écosystèmes face aux changements environnementaux sont des problématiques centrales pour comprendre l’équilibre des espèces qui peuplent la planète. Plusieurs exemples de systèmes complexes—depuis la régulation du flux des réseaux métaboliques et cellulaires jusqu’au comportement d’une nuée d’oiseaux— présentent une sensibilité importante à des perturbations infinitésimales. Ils sont alors dits marginalement stables, tout juste à la limite de leur stabilité.
Dans mon exposé, j’aborderai le problème de la complexité écologique en prenant comme point de départ un modèle de Lotka-Volterra avec des interactions aléatoires entre les espèces. Je dévoilerai une structure très riche et hiérarchique des équilibres possibles entre les espèces. Je relierai les propriétés critiques émergentes ainsi qu’une dynamique de relaxation de plus en plus lente à l’apparition de phases désordonnées similaires à celles rencontrées dans les systèmes vitreux. Enfin, je discuterai comment étendre ces résultats à des fonctions de croissance non-logistiques dans la dynamique des abondances d’espèces, qui s’avèrent être pertinentes pour décrire des effets de rétroaction positive.
Quentin Feltgen has studied Physics at the ENS and defended his PhD thesis in 2017 under the supervision of Jean-Pierre Nadal, on the application of statistical physics to language change. After a brief venture through Neurosciences at the Paris Brain Institute, he switched back to Linguistics with the statistical analysis of writing bursts, under the supervision of Georgeta Cislaru. He is now a postdoc at Ghent University under the supervision of Peter Lauwers, where he studies the relationship between the structure of complex constructions and their frequency dynamics over time.
Abstract
Time dynamics of the paradigmatic organization of complex language units
According to Construction Grammar (Goldberg 1995, Hilpert 2014), language is not a set of abstract syntactic rules operating on lexical items, but a heterogeneous inventory of linguistic units called constructions that are more or less complex and which may combine in that the most complex units, the ‘schematic’ ones, feature open slots (or schemas) that can be filled with other, simpler units. For instance, the French immediate past construction venir de + V is associated with a free slot that can host a variety of verbs (e.g. venir de manger). This defines a paradigm of linguistic forms that can fill the schema of the complex construction.
It has been posited, and empirically confirmed, that this paradigm of forms obeys a Zipf’s law, specific to the construction (Goldberg et al. 2004, Ellis et al. 2014). On the other hand, such constructions, as they get entrenched in language use, follow in time a clear S-curve of frequency rise (Feltgen et al. 2017). This S-curve pattern is found both for the token frequency of the construction (how much it is used overall), and for its type frequency (how many fillers it can combine with). This shows a level of cohesion over the paradigmatic organization that shapes the construction use.
According to a recent model of vocabulary growth, the Adjacent Possible Model (Tria et al. 2014), we expect the Zipf’s law to hold over time. That is, the highest rank members should appear first, and then their own frequency should increase linearly with the total size of the pool of tokens, so that they should all follow the same S-curve as the construction as a whole. Moreover, the ranking of the Zipf’s law is expected to be conserved after a short fixation time. This contrasts sharply with the picture that emerges from empirical data: the individual frequencies of the fillers follow their own S-curve, with a large variability of slopes and inflection times, leading to an unstable and ever-shifting Zipf ranking. The complex construction therefore appears as a linguistic environment in which the fillers can thrive in a rich variety of ways, which makes the cohesive S-curve unfolding at the construction level all the more intriguing.
Laetitia Gauvin est chercheuse scientifique senior dans l’équipe Data Science for Social Impact and Sustainability de la Fondation ISI. Elle a obtenu son master à l’Imperial College de Londres et au Centre de Physique Théorique de Marseille. Elle a ensuite poursuivi un doctorat sur l’étude des systèmes socio-économiques à l’aide d’outils de la physique statistique au Laboratoire de Physique Statistique (LPS) de l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Ses intérêts de recherche portent sur l’étude des systèmes socio-économiques, avec un accent particulier sur les objectifs de développement durable, en utilisant des approches impliquant l’exploration de données et l’apprentissage automatique.
Abstract
Inégalités dans la mobilité humaine
Les schémas de mobilité humaine dans la vie quotidienne et pendant les crises reflètent divers facteurs sociodémographiques. L’analyse des données de téléphonie mobile s’avère être un moyen précieux pour explorer la multitude de ces schémas de mobilité.
Nous présentons deux études portant sur les inégalités de la mobilité humaine à l’aide des données de téléphonie mobile : 1) comment la mobilité est genrée dans la vie quotidienne 2) quels ont été les moteurs socio-économiques de la mobilité pendant la première vague de la pandémie de COVID-19.
Notre première étude met en évidence une interaction complexe entre les modèles de mobilité sexuée et les facteurs socio-économiques. Dans la seconde étude, nous avons exploré la relation entre les réponses comportementales aux restrictions de mobilité et les facteurs économiques tels que la structure locale de la main-d’œuvre ou le taux d’emploi.
Marion Maisonobe est chercheuse au CNRS spécialisée dans la géographie des sciences. Elle a fait sa thèse sur la géographie du système scientifique contemporain en mettant en évidence les dynamiques de production scientifique à l’échelle mondiale et l’évolution de la structure des réseaux de coopération scientifique qui s’établissent entre villes et pays. Son travail met en évidence le rôle toujours structurant des cadres nationaux dans l’établissement des collaborations entre scientifiques. Afin d’éclairer notre compréhension des rapports entre espaces géographiques et liens sociaux, son travail porte aussi sur les logiques spatiales de sociabilité. Ayant recours aux méthodes de l’analyse de réseau et de la visualisation d’information, elle travaille à rendre accessibles et reproductibles ses approches. Elle est en charge du développement de l’application web NETSCITY permettant de cartographier les données de la science.
Abstract
Logiques de spatialisation des activités de recherche – état des connaissances et perspectives.
Quelles sont les logiques spatiales de développement des activités de recherche ? À l’échelle d’un pays donné, dans quelle mesure la répartition des activités de recherche est-elle dépendante de la hiérarchie urbaine ? Observe-t-on une relation entre la taille des villes et le type d’activités scientifiques qui s’y développe ? Ces trois questions, simples en apparence, n’admettent pas de réponses stabilisées dans la littérature actuelle.
Cela tient d’abord à des différences de définitions car il convient de s’entendre sur ce que l’on entend par « activités de recherche », et sur les méthodes et données permettant d’en mesurer la répartition. Cela s’explique aussi par l’impossibilité de fournir des réponses valables en tout temps, en tous lieux et pour tous types de recherche scientifique d’autant que la géographie de la recherche que l’on observe aujourd’hui à l’échelle d’un pays donné résulte de logiques de localisation qui ont pu varier dans le temps et l’espace. La hiérarchie urbaine n’étant pas non plus stable dans le temps, il s’agit encore de tenir compte de la coévolution entre géographie de la recherche et géographie urbaine. Enfin, cela témoigne d’une communication limitée entre historiens, économistes, sociologues, et géographes s’intéressant aux activités de recherche – conduisant à des positions apparemment peu conciliables pour comprendre et expliquer les logiques spatiales de ce secteur d’activité.
En faisant le point sur la diversité des savoirs existants sur ce sujet, en travaillant à décortiquer les termes utilisés et en prenant pour terrains d’étude le cas des systèmes de recherche contemporains français et britanniques, cette présentation propose d’éclairer les déterminants spatiaux des activités de recherche et les raisons de la surreprésentation de ces activités dans certaines catégories de villes. Elle met ainsi en lumière les facteurs permettant d’expliquer, au niveau national, l’écart entre la hiérarchie des villes sous l’angle de leurs activités de recherche et la hiérarchie urbaine traduite par la distribution de la population à une date donnée.
I am a theoretical biologist working at the crossroads of experimental biology, mathematics, and philosophy. I also work on the Anthropocene, among many other interests.
I am a researcher (Chargé de recherche) in CNRS, working in Centre Cavaillès République des Savoirs USR 3608, École Normale Supérieure.
Abstract
La disruption du vivant dans l’Anthropocène
Les biologistes évoquent souvent la disruption des organisations biologiques ou des écosystèmes. Il s’agit par exemple de la disruption des relations écosystémiques par le changement climatique ou des perturbateurs endocriniens, endocrine disruptors en anglais. La notion de disruption correspond-elle a un phénomène original ? Elle devrait être alors distincte du concept de perturbation tel que développé en physique et utilisé pour analyser toute sorte de système. Nous montrerons comment cette question de la disruption en biologie soulève et demande de traiter des questions fondamentales en biologie théorique et discuterons plusieurs cas.
Assistant professor in applied mathematics at the University of Paris Panthéon-Assas, LEMMA–Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée.
Pawlowitsch’s research focuses on exploring game-theoretic methods to gain insight into semantic and pragmatic aspects of language. Before joining the University of Paris Panthéon-Assas, she was a post-doctoral research fellow at Paris school of Economics and Harvard University.
Abstract
Strategic Manipulation in Bayesian Dialogues
In a Bayesian dialogue two individuals report their Bayesian updated belief about a certain event back and forth, at each step taking into account the additional information contained in the updated belief announced by the other at the previous step. Such a process, which operates through a reduction of the set of possible states of the world, converges to a commonly known posterior belief, which can be interpreted as a dynamic foundation for Aumann’s agreement result. Certainly, if two individuals have diverging interests, truthfully reporting one’s Bayesian updated belief at every step might not be optimal. This observation could lead to the intuition that always truthfully reporting one’s Bayesian updated belief were the best that two individuals could do if they had perfectly coinciding interests and these were in line with coming to know the truth. This article provides an example which shows this intuition to be wrong. In this example, at some step of the process, one individual has an incentive to deviate from truthfully reporting his Bayesian updated belief. However, not in order to hide the truth, but to help it come out at the end: to prevent the process from settling into a commonly known belief the – ‘Aumann conditions’ – on a certain subset of the set of possible states of the world (in which the process then would be blocked), and this way make it converge to a subset of the set of possible states of the world on which it will be commonly known whether the event in question has occurred or not. The strategic movement described in this example is similar to a conversational implicature: the correct interpretation of the deviation from truthfully reporting the Bayesian updated belief thrives on it being common knowledge that the announced probability cannot possibly be the speaker’s Bayesian updated belief at this step. Finally, the argument is embedded in a game-theoretic model.
Julien Randon-Furling is Associate Professor of Mathematical Sciences at Univ. Paris 1 Panthéon Sorbonne. He is a member of the research team SAMM (Statistics, Analysis, Multidisciplinary Modelling) within the Fédération Parisienne de Modélisation Mathématique (CNRS FR2036). He is also an affiliate professor in the programme for Modelling, Simulation and Data Analysis (MSDA) at UM6P in Morocco, and an Alliance Associate Professor at Columbia University in New York. His research focuses on stochastic processes and stochastic models, with a keen interest for multidisciplinary approaches of complex systems, particularly at the interfaces with human and social sciences.
Abstract
Mes travaux de recherche portent principalement sur la description et la modélisation des réseaux complexes (réseaux de communication, sociaux, de machines, …). Je m’intéresse particulièrement aux méthodes pour générer des modèles de réseaux aléatoires réalistes, à la description de leur évolution dynamique et à l’analyse des phénomènes de propagation qui s’y produisent.
Je m’intéresse également à la philosophie des sciences, et en particulier à la notion d’analogie, notamment au travers de l’analogie entre automates cellulaires et modèles de transitions de phase en physique.
Abstract
Définitions et mesures de la diversité appliquées aux plateformes web
La diversité tient une place importante dans le débat actuel sur les algorithmes du web et sur la façon par laquelle ils rendent accessibles ou non les contenus aux utilisateurs. Pour faire une analyse précise et quantifiable de leur influence, on est amené à formaliser le concept de diversité et à clarifier les différentes acceptions du terme.
Du point de vue de l’informatique, il s’agit de proposer des définitions rigoureuses qui soient suffisamment expressives pour rendre compte de différentes signications. Pour être pratiquement utilisables sur de grands jeux de données, elles doivent aussi être calculables en des temps raisonnables. Enfin, on doit pouvoir expliquer la signification d’une mesure au-delà du cercle restreint des spécialistes de la question.
Fabrizio de Vico Fallani est chercheur INRIA au sein du laboratoire ARAMIS de l’Institut du cerveau et de la colonne vertébrale (ICM) à Paris. D’origine italienne et originaire de Rome, il a obtenu un master en ingénierie informatique à l’Université Sapienza de Rome (2005), et un doctorat en biophysique trois ans plus tard à la même université. Il dirige actuellement un groupe multidisciplinaire travaillant sur l’analyse et la modélisation du fonctionnement du cerveau dans une perspective systémique.
Abstract
Network science for understanding brain complexity
In the last decades, network science has become essential for studying complex interconnected systems. Combined with neuroimaging, network science has allowed neuroscientists to visualize brain connectivity patterns and quantify their key organizational properties. Within this expanding multidisciplinary field many issues remain open, from how integrating information from multimodal connectivity, to how modeling temporally dynamic brain networks. In this talk, I will introduce novel approaches to address these challenges and discuss the potential impact through a selection of results obtained in human neuroscience.
Dans mon exposé, j’aborderai le problème de la complexité écologique en prenant comme point de départ un modèle de Lotka-Volterra avec des interactions aléatoires entre les espèces. Je dévoilerai une structure très riche et hiérarchique des équilibres possibles entre les espèces. Je relierai les propriétés critiques émergentes ainsi qu’une dynamique de relaxation de plus en plus lente à l’apparition de phases désordonnées similaires à celles rencontrées dans les systèmes vitreux. Enfin, je discuterai comment étendre ces résultats à des fonctions de croissance non-logistiques dans la dynamique des abondances d’espèces, qui s’avèrent être pertinentes pour décrire des effets de rétroaction positive.
Tommaso Venturini est chercheur au Centre Internet et Société du CNRS. Il est également chercheur associé à l’INRA et au médialab de Sciences Po Paris et fondateur du Public Data Lab. En 2017 et 2018, il a été chercheur à l’École Normale Supérieure of Lyon et « Advanced Research Fellow » de INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et automatique. Il a aussi été lecturer au Département des humanités numériques du King’s College London. De 2009 à 2015, il a coordonné les activités de recherche du médialab of Sciences Po Paris.
Abstract
Pour un mouvement interdisciplinaire pour la libération des méthodes
La collaboration entre systèmes complexes et sciences sociales peut amener une vraie révolution dans l’étude des phénomènes collectifs, et pourtant pas celle qu’on imagine. Éblouis par les muscles des ‘big data’ et des techniques computationnelles, on oublie souvent que la vraie valeur de l’interdisciplinarité réside ailleurs. La révolution des méthodes numériques n’est pas une question de plus (plus de données, plus de calcul, plus de quantification…), mais une question de renouveau. Elle réside dans la capacité de générer des traces inédites, de nouvelles combinaisons analytiques, de nouveaux outils d’exploration et de visualisation. Pour trop longtemps, l’enquête sociale s’est enlisée dans l’opposition quali/quanti qui, malgré sa raison d’être historique, a fini par anesthésier notre imagination méthodologique. Le rencontre avec les systèmes complexes peut nous réveiller, mais seulement si elle abandonne son obsession pour la quantification, et embrasse son potentiel de créativité.