Au sein du projet CNRS Politoscope, nous avons plusieurs fois observé la fusion des communautés RN et d’une partie de LR ces cinq dernières années, par exemple au moment des municipales où des alliances LR-RN se sont opérées à bas bruit (cf. article Mediapart).
Nous avons également observé l’affaiblissement, sur Twitter, de la communauté RN, bousculée sur sa droite par les Patriotes de Philippot.
Enfin, depuis plusieurs mois, nous assistons à la scission régulière de la sphère informationnelle de la communauté LR, la droite traditionnelle et la droite conservatrice apparaissant régulièrement dans deux communautés distinctes. Le fait que les candidats du second tour aux dernières régionales appartenaient quasiment tous à la droite traditionnelle est également révélateur de ce début de différentiation entre droite traditionnelle et droite conservatrice.
Mais depuis la dernière quinzaine de septembre, il y a une toute nouvelle dynamique à droite, qui semble se confirmer en octobre. Une communauté d’intérêts s’était révélée à l’occasion du débat Zemmour-Mélenchon. Elle traversait LR, une partie du RN et une partie des Patriotes. Celle-ci montre des signes de stabilisation. Pour la première fois ce mois d’octobre, la carte Politoscope montre une communauté autour de Zemmour qui rassemble une part importante des anciennes communautés RN et LR. Les deux morceaux restants de militantisme en ligne ont été réduits à portion congrue, ce qui est un mauvais signal pour ces deux partis politiques.
Si cette tendance devait se confirmer, cela augurerait, comme cela à été maintes fois conjecturé dans les média (ex. ici et là), d’un bouleversement des rapports de force sur l’échiquier politique français. L’issue du premier tour, en raison notamment de la question du vote utile, en deviendrait très incertaine.
Une réserve est néanmoins à émettre sur la représentativité des communautés autour de Philippot et Zemmour sur cette carte. Outre le fait bien connu que les communautés les plus extrêmes sont les plus actives en ligne, ce qui déforme leur représentativité sur ce type de représentation, une analyse des dates de création des comptes Twitter révèle un motif qui attire l’œil. Cela peut se constater par exemple sur la figure ci-dessous où la couleur des comptes reflète leur ancienneté.
On voit clairement, ce qui se confirme statistiquement, que les environnements numériques autour de Zemmour et Philippot sont peuplés de comptes créés beaucoup récemment que la moyenne. Ceux qui voient le vers à moitié plein diront que c’est parce que ces personnalités attirent beaucoup de nouveaux militants, qui du coup s’inscrivent sur ce réseau social. Ceux qui voient le verre à moitié vide pointeront une possible amplification artificielle de l’adhésion à ces personnalités, via des robots ou l’achat de comptes. L’avenir nous dira ce qu’il en est.
David Chavalarias, Directeur de Recherche au CNRS